Le syndrome du Titanic: voici pourquoi nous avons aimé

Nous avions senti une évolution dans le discours de Nicolas Hulot (et les initiatives de sa Fondation) ces derniers temps. Et même s'il s'en défendait habilement ("ce ne sont pas mes propos qui se radicalisent, c'est la situation"), nous attendions avec une certaine impatience la sortie de son film, avec le secret espoir qu'il soit un peu moins soft que le Home très "plastique" de Yann Arthus Bertrand.
Et nous n'avons pas été déçus ! Car même si les esprits chagrin lui reprocheront le manque de jolies images type Ushuaia, un ton trop monocorde, ou encore l'intellectualisme ardu de certains de ses propos et le manque de solutions qu'il apporte concrètement, le "petit Nicolas" a frappé haut et fort, et bouleversé la donne, en rompant avec le discours trop convenu de ces dernières années, où il était de bon ton d'informer mais surtout sans alarmer pour ne pas provoquer de réaction de rejet...
Dans le syndrome du Titanic, Hulot rattrape son retard historique, il dérange et déroute, en multipliant les images chocs d'un monde devenu complètement fou, face auquel il s'avoue tristement perdu. L'abondance obcène d'un côté et la misère sans fin de l'autre. Un consumérisme absurde qui suce le sang de la Planète. Quelques jean(gens)-qui-ri(en)t quand beaucoup d'autres pleurent. Une machine infernale où Hulot mélange pêle-mêle (avec un certain brio visuel et sonore qui n'est pas sans rappeler Kubrick à certains moments) le rush des soldes et la désespérance des plus démunis, les jeux vidéos guerriers dont se soûle la jeunesse insouciante et les interventions meurtrières et chirurgicales de l'armée américaine, ou encore les incantations d'un prêtre chanteur dans une communauté noire et celles des milieux boursiers décidant du cours mondial des céréales. Les bulles à oxygène des chiots de riches nous choquent, tout autant que les cages à poules dans lesquelles survivent les miséreux chinois. Les immondices des quartiers pauvres africains ou américains rendent vulgaires ces poupées japonaises méticuleusement fardées, et sordides ces centres commerciaux immaculés...
Le syndrome du Titanic appuie là où ça fait mal, et c'est tant mieux. Car à force de (ne) montrer (que) de jolies images de la Planète, et de (ne) chercher (qu')à responsabiliser sans déstabiliser et brusquer, les défenseurs de la petite bleue en oublieraient presque d'évoquer l'état réel du monde et l'absolue nécessité qu'il y a de convaincre, par tous les moyens existants ou restant à inventer. Le syndrome du Titanic arrive donc ici à point, car il n'aurait pas fallu se suffire de Home, dont il est le parfait complément et contrepoint.
Enfin, et c'est peut-être par là qu'il aurait fallu commencer : le syndrome du Titanic porte merveilleusement bien son nom, même s'il aurait très bien supporté d'être intitulé "une vérité qui dérange, le retour" : nous sommes embarqués dans une galère de luxe comme les passagers du Titanic il y a presque cent ans : nous ne dout(i)ons pas de son invulnérabilité ; nos gouvernants n'ont pas (encore) changé de cap alors que l'iceberg est là, devant nous, aussi visible que le nez au milieu du visage ; pire, les orchestres du tout-va-bien jouent toujours plus fort alors même que le bateau va commencer à s'enfoncer dans les eaux... reste un quatrième et dernier chapitre à écrire, dont la fin se joue à l'heure actuelle (décideurs de Copenhague, priez pour nous... et agissez !) qui, si le scénario est catastrophe, n'épargnera personne, pas même les passagers de première classe...
Allez voir ce film événement, parlez-en dans votre entourage, et voyez en vous et autour de vous ce qu'il est possible de faire pour contribuer, individuellement et collectivement, à promouvoir cette "sobriété heureuse" qui nous fait tellement défaut !